Par Fady
Noun
L’Orient-Le
Jour du 12
mai 2009
C'était Zahlé (*) de Carlos et Névine Hage Chahine est un
florilège de textes et d'illustrations sur Zahlé, la plus grande ville
chrétienne d'Orient, glanés par les auteurs au fil de leurs recherches
bibliographiques. Passionnés de récits de voyage, où ils voient comme dans un
miroir des fragments d'histoire de leur ville natale, ils ont exploré les fonds
orientalistes de par le monde. De récit en témoignage, de gravure en
photographie, d'une intuition obstinée à un pur hasard, c'est son portrait qui
se dessinait devant eux.
L'album qu'ils en présentent est l'une de ces œuvres
exemplaires dont l'existence témoigne d'une passion plus profonde, celle qu'ils
portent à leurs origines, à leur identité profonde. Les auteurs en sont
conscients, d'ailleurs, qui décrivent leur ouvrage comme « une expression
de leur piété filiale ». Une piété qui s'appelle
« patriotisme ».
Dans Mémoire et identité, Jean-Paul II consacre de très
belles lignes au patriotisme, un « amour ordonné » pour la patrie
qu'il oppose d'une certaine manière au nationalisme.
« Si l'on se demande quelle place occupe le patriotisme
dans le décalogue, dit Jean-Paul II, la réponse ne laisse aucune hésitation :
il se situe dans le cadre du quatrième commandement, qui nous engage à honorer
notre père et notre mère. Il s'agit en effet de l'un des sentiments que la
langue latine désigne sous le terme pietas, soulignant la valeur religieuse qui
sous-tend le respect et la vénération dus à nos parents (...). Patriotisme
signifie amour pour tout ce qui fait partie de la patrie : son histoire,
ses traditions, sa langue, sa conformation naturelle elle-même (...). Tout
danger qui menace le grand bien de la patrie devient une occasion pour vérifier
cet amour. Notre histoire nous enseigne que les Polonais ont toujours été
capables de grands sacrifices pour préserver un tel bien, ou pour le
reconquérir. »
Parmi les « dangers » qui menacent « le grand
bien de la patrie » figurent... l'ignorance et l'oubli. D'un chapitre à
l'autre de l'ouvrage de Névine et Carlos Hage Chahine, le lecteur découvrira
Zahlé à travers un corpus de textes et d'images qui n'ont, sans doute, aucun
lien apparent entre eux mais qui, en réalité, nous disent ce qu'était Zahlé -
ce que nous étions nous-mêmes aussi - au fil des siècles. Une sorte d'histoire
du Liban par l'histoire de Zahlé.
Car cette mémoire historique nous définit autant qu'elle
définit une ville. Sans que nous en soyons conscients, elle peut avoir laissé
en nous des modes de pensée et d'être qui nous caractérisent aux yeux des
autres. Aussi n'est-il pas inutile de nous exposer à ces lectures, qui pourront
nous apprendre ce que nous sommes, à travers le regard des pèlerins, touristes,
voyageurs, érudits, militaires, prêtres ou missionnaires qui ont jeté leurs
premiers regards sur cette terre non défrichée.
Certes, tout ne doit pas être pris pour argent comptant dans
ces textes qui sont d'une valeur historique inégale. Beaucoup de voyageurs se
sont longuement documentés avant de faire le voyage, et leurs témoignages, qui
nous magnifient, sont précieux. D'autres, par contre, sont moins fiables et
leurs impressions sont à prendre avec la plus grande réserve, comme celles de
Jules Ferrette trouvant mérité qu'une ville entière soit immolée en 1860 pour
avoir eu l'audace de considérer comme indésirables et de les avoir boutés hors
de ses murs des missionnaires protestants à la générosité calculée et
proverbiale : « anglezli ta anglezlak ».
Au bout du compte, pourtant, et sans quitter son fauteuil,
le lecteur de C'était Zahlé fera un voyage bien confortable dans le temps et
l'espace, à la recherche de ce qui fait son identité et celle de ses
compatriotes.
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